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20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 00:00

blié le 29/01/2012 à 05:00

RENCONTREFlâneur impénitent

Après une longue absence, Robert Scholtus renoue avec Metz, la ville dont il a longtemps sondé l’âme et les ruelles. par Michel GENSON

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Robert Scholtus rue des Murs, au cœur de sa « ville de mémoire ». Photo Maury GOLINI

Robert Scholtus rue des Murs, au cœur de sa « ville de mémoire ». Photo Maury GOLINI

U ne petite locomotive tirait alors les péniches sur le chemin de halage, le long de la Moselle, du côté de Longeville. Années cinquante, sortie de guerre et culottes courtes. Comme les mômes de son âge, Robert Scholtus balbutiait là son enfance, « cœur tout blanc et griffes aux genoux ». Quelques décennies plus tard, le souvenir est resté vivace de ces années-là, où il percevait le Saint-Quentin comme un immense terrain d’aventures. L’image fait éclore un sourire enjoué sur le visage de l’homme mûr. S’il vient de quitter de fort doctes fonctions à la tête du séminaire de l’Institut Catholique de Paris, Robert Scholtus s’offre toujours en secret, parions-le, quelques escapades complices avec le « sale gosse » qu’il dit avoir été, parfois.

Après une longue absence, le prêtre revient donc sur ses terres. Celles de ses études au moins, puis de son ministère – après le séminaire, il a exercé jusqu’en 2000 dans les paroisses messines. Pour le reste, Robert Scholtus se montre plus nuancé dans son approche : « Cette ville, tu l’as toujours vécue de biais, par effraction, en passager clandestin, en étranger domicilié, parce que tu n’y es pas né, parce que tu as vécu ton enfance en périphérie », note-t-il dès les premières pages de Promesse d’une ville, opuscule sensible, vif et amusé, un zeste insolent, à paraître cette semaine, écrit à l’adresse d’une cité énigmatique, qu’il retrouve non sans une certaine gourmandise.

« J’ai passé treize ans à Paris, ça a été une période extraordinaire, je me baladais entre le jardin du Luxembourg et Saint-Germain-des-Prés. Mais précisément, c’est quand on s’éloigne qu’on découvre l’importance de la "provenance". Que réémerge l’identité provinciale. Revenu de Paris, je me suis senti plus messin que ne le croyais. » De ce constat sont nées une petite centaine de pages alertes, qui interrogent une certaine pratique de la ville, entre nostalgie et quête d’avenir. On y questionne les livres et la lecture, Bazaine, Tocqueville ou le panurgisme touristique. Le nom des rues aussi, et l’architecture du Centre Pompidou. L’auteur s’y tutoie (« Un besoin de mise à distance, d’introduire un peu de pudeur et d’ironie »), passe sous silence toute référence à sa fonction ecclésiastique (« Je me sentais un peu coincé à figurer inexorablement sur le rayonnage "livres religieux" ») et s’y raconte finalement beaucoup plus qu’il ne le dit.

Quelques points d’ancrage dans la vie de Robert Scholtus. Naissance à Sierck-les-Bains, « Quai des Ducs-de-Lorraine, je suis un enfant de la Moselle », s’amuse-t-il, avant d’aborder les rives de Metz. « Nous avons habité pendant quelques années à Montigny, pas loin du Quartier Coislin. Il y avait des Américains dans notre rue, je me souviens de petits Noirs qui jouaient au base-ball, un jeu auquel on ne comprenait rien. Et des patrouilles de la Military Police, près de la gare… » Papa fait alors dans ce qu’on appelle pompeusement les "arts ménagers", rue des Clercs. Du coup, les jeudis ont le goût aventureux du centre-ville.

La première émotion de lecteur viendra de Robinson Crusoé, « Je ne suis pas issu d’une famille de lettrés, les livres, je les ai découverts pendant mes années d’internat. C’est devenu de l’ordre de la passion en terminale, à travers un jeune prof qui nous a donné un élan formidable. Avec au programme Rimbaud, Vian, Céline. » L’idée de transmission flotte dans l’air, « capitale dans la culture d’aujourd’hui, parce que de plus en plus difficile ».

Aujourd’hui, la bibliothèque de Robert Scholtus mange littéralement les murs, vivante, frémissante, habitée par une foule d’auteurs et autant de mondes différents. « Il y aPéguy bien sûr , j’ai fait ma thèse sur lui et je ne l’ai jamais quitté. Mais Pascal Quignard aussi, Pontalis. Jean Echenoz. J’ai une grande curiosité pour les contemporains, pour ce que devient aujourd’hui la littérature. Cela dit, je me suis replongé dans Baudelaire. »

Ordonné prêtre en 1974, l’abbé Scholtus aura eu tout loisir, un quart de siècle durant, d’arpenter à sa manière la cité qui s’ouvrait à lui, « J’ai plus un rapport de flâneur à la ville. Flâner, ça modifie la conception du temps. On devient contemporain de toutes les époques traversées. Être place d’Armes, prendre une ruelle du quartier d’Outre-Seille, passer devant Pompidou, il n’y a plus de passé/présent/avenir. »

La longue parenthèse parisienne lui aura offert le luxe de la distance (« Les rues de Paris t’ont appris à ajuster ton regard et à surprendre les détails »), pour mieux appréhender les harmonies d’une « femme à la peau blonde », de Metz « ville d’automne (… ), propice aux mélancolies d’arrière-saison ».

Promesse d’une ville baguenaude aimablement à travers ces thèmes-là. Provoque le lecteur, sourit, égratigne, s’amuse à des inventaires, (« Je regrette… les trolleys d’autrefois et leurs perches parallèles », « le juke-box du bar Bon-Secours à l’époque où Adamo chantait Tombe la neige»). Raconte une ville imaginaire où la rue du Vivier conduirait à Prague sous la pluie, où, partant d’un bazar d’Outre-Seille, on remonterait une sonore rue d’Alger. Robert Scholtus convoque Blondel, Goutin et Koltès à cette déambulation fraternelle, épicée de tendre ironie, « chacun a son système de défense. je déteste l’esprit de sérieux, le cul de plomb », argue-t-il.

Posé pour un temps au cœur de sa « ville de mémoire », Robert Scholtus renoue là avec ses errances d’hier. Il en paraîtrait plutôt satisfait. Mieux, il redonne aux usagers de l’antique cité l’envie de se laisser réenchanter. « C’est un Metz subjectif que je décris là, pris dans le mouvement de ma propre existence. »

Promesse d’une ville, par Robert Scholtus (Arléa). En librairie le 2 février.

par Michel GENSON
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