L'abbé Nicolas Dicop, curé de Veckring en 1962, auteur d'un essai de reconstitution seigneuriale et paroissiale sur le Hackenberg, s'est attardé sur l'étymologie de Hackenberg.
Vue sur Veckring du Hackenberg, juin 2004
Si pour tout germanophone le Berg signifie "montagne", il est intéressant de mieux revisiter la signification du suffixe Hack- qui nous interpela tant dans le cadre de l'étude du patronyme Hackspill, victime des plumes tant des servants de Dieu que des serviteurs de l'Etat.
L'abbé Dicop rappelle qu'on a justement beaucoup épilogué sur l'origine du terme Hackenberg et que toutes les conjectures sont gratuites : certaines jouissant de quelques probabilités, aucune ne s'imposant tout en notant que le Hackenberg lorrain n'était pas unique en Moselle ni même dans les pays germaniques. Il rappelle qu'il existait au Grand-Duché de Luxembourg ... un Hackenberg qui est une cense construite vers 1584 sur un haut plateau vers lequel une route monte à partir des villages situés en contrebas, sa configuration géographique présentant quelques analogies avec le Hackenberg lorrain.
Nicolas Dicop porte à notre connaissance la thèse d'Auguste Terquem que nous avons déjà eu l'occasion de citer dans le cadre de l'étymologie de la finale -Stroff. Ainsi Terquem, à ce sujet, dit ceci : "Hackenberg est un nom francisé, et nous en sommes certain; la preuve, c'est l'M qui est placé devant le B; la langue allemande n'admet pas comme obligatoire dans son orthographique que l'on mette un M devant B ou P; au contraire, d'après les usages allemands, elle dira Haken, et nullement Hakem. Celui-ci n'a aucune application et ne signifie rien. Pour donner son véritable nom, il faudrait écrire : Hagenberg, Hagen, de Hag : bois, buissons; Berg montagne. Montagne boisée, couverte de bois".
Hag... nous rappelle opportunément que nos premier Hackspill signaient Hagspiel... C'est grâce à cette graphie originale que vous avions été invités par les cousins Hagspiel d'Oberstaufen d'où provenaient nos ancêtres.
C'est aussi cette racine qui a permis à Marie-Thérèse Fischer, historienne, maîtrisant parfaitement la langue de Goethe, de nous écrire il y a plus de deux ans :
Je me suis laissé entraîner par les méditations sur le composé hack + spill / hack + spiel. J'aurais dû penser au génitif en -s: Hacks + piel. J'aurais aussi dû penser que, ici, les noms de Suisses et autres qui se sont installés au 18e siècle ont été affublés d'un suffixe "-piel" ou "pill" (ou des trucs farfelus dont je te fais grâce!) pour "bühl" (colline). Brächbühl est devenu Prachpiel, entre autres. Quant au "hack", j'aurais dû penser aussi aux altérations d'occlusives si fréquentes chez les greffiers de jadis... Donc, "Hackspill" ou "Hackspiel", à la base, devait être "Hagsbühl" (il y a un écart de ce nom dans le canton de Berne), avec la variante "Hagspiel". Cela se rattache aux innombrables noms qui ont défini une famille par rapport à la situation de sa maison (les Dupont, Chenevière, Duchêne, Laforêt et autres, pour ne parler que de la France). Les Hagspiel devaient habiter sur la pente d'une colline buissonneuse ou couronnée par un petit bois.
Voilà qui est dit. Même si l'abbé Dicop a trouvé l'explication de Terquem quelque peu fantaisiste tout en lui laissant la valeur qu'elle mérite sans toutefois y attacher une importance excessive, il laissa à des compétences plus qualifiées, selon lui, le soin d'élucider l'énigme en se référant à plus modeste et moins péremptoire dans ses assertions M. Théodore de Puymaigre qui, dans son étude du Hackenberg, écrivit : "Pourquoi ce nom ? Montagne de crochet, du hoyau, de la houe ?"
Ce qui nous fait sourire dans la mesure où à Hestroff certaines plaisanteries s'attardent encore de nos jours sur Hackenschtill... littéralement manche de la bineuse...
Si l'abbé Dicop avait connu Marie-Thérèse Fischer, il n'aurait pas consulté le professeur Ernst Christmann de Kaiserslautern, une des voix les plus autorisées en la matière à son époque, qui écrivit :
"On ne peut expliquer certains noms qu'en partant de leurs formes les plus anciennes. Hackenberg est évoqué en 1120 comme Hakeberg, et en 1145 comme Hackamberg. Sous cette forme, l'M devant le B a assimilé l'N primitif qui manque dans la première forme. notre point de départ sera donc la forme Hackenberg. La première partie du terme correspond au mot Haken, en dialecte régional : Hooke. Son sens premier est : un objet recourbé à sa pointe. Cette pointe peut saillir, surtout quand on lui donne une orientation de bas en haut. De cette façon, une montagne caractérisée par un sommet aigu peut s'appeler Hacken ou Hackenberg. C'est ainsi que j'expliquerais le Hakenberg lorrain".
D'où conclusion de l'abbé Dicop : Somme toute donc, une élévation assez saillante ou encore un éperon avancé, ce qui semble davantage répondre à la configuration géographique du Hackenberg.
Nous laisserons nos lecteurs juger par eux-mêmes. Seulement quand l'émérite professeur Christmann affirme qu'au mot Haken correspondrait, en dialecte régional, Hooke, nous aimerions savoir à quel parler local il se réfère... Car Hook, en francique néerlandais, correspond à notre Ecken, c'est-à-dire le "coin". Par ailleurs, Hagspiel, coquet village, entre Bavière, Suisse et Autriche, est perché au sommet d'une montagne pas si saillante que cela...
Vue sur une partie de la vallée Hagspiel - Oberstaufen dans l'Allgäu, en limite des frontières suisses et autrichiennes - juin 2009 -
Au contraire Hagspiel se situe sur une montagne au sommet boisé réputé pour offrir à ses visiteurs un panorama exceptionnel et un Dreiländerblick, "regard sur trois Etats".
C'est bien aussi le cas de notre Hackenberg du sommet duquel les Romains pouvaient aisément surveiller le trafic routier et dominer le pays...
Notre conclusion : C'est Marie-Thérèse Fischer, en rejoignant l'hypothèse d'Auguste Terquem que nous apprécions particulièrement, qui a le mieux cadré l'étymologie de Hack-.