Ce fut lors du combat contre les Turcs en Hongrie que Christophe de Bassompierre, père de François, se rapprocha de Henri de Guise :
"Ce fut en ce voyage que cette forte amitié se fit entre M. de Guise et feu mon père, qui depuis, jusques à sa mort, lui a constamment gardé son cœur et son service, et que mondit sieur de Guise l’a chéri sur tous les autres serviteurs et affectionnés, l’appelant l’ami du cœur."
Jarnac puis hélas la Saint-Barthélémy les rapprocha encore davantage :
"Après cela étant revenu en France, la paix se fit, le mariage du roi de Navarre étant résolu avec la dernière fille de France, madame Marguerite. Il se consomma à Paris, et à la Saint-Barthélémi ensuite, où mon père se trouva ; et, peu de temps après, la bonne volonté que le roi Charles portait au comte Charles (de Lorraine) et à lui, le porta à les vouloir marier avec deux filles du maréchal de Brissac ; ce que le comte de Mansfeld reçut à grâce. Mon père, qui était pauvre et cadet de sa maison, lui ayant remontré que ces filles, qui étaient en grande considération et de peu de biens, ne seraient pas bien assorties avec lui qui n’en avait guère, et qui en avait besoin ; mais que s’il lui voulait faire la faveur de le marier avec la nièce dudit maréchal, nomme Louise Le Picard de Radeval, qui était héritière, et à qui madame de Bourdeilles sa tante voulait donner cent mille écus, il lui ferait bien plus de bien, et lui causerait sa bonne fortune. Ce que le roi Charles fit, malgré les parents, et malgré la fille qui ne le voulait pas, parce qu’il était pauvre, étranger et allemand. Enfin il l’épousa, et peu de jours après il s’achemina au siège de La Rochelle, que M. le duc d’Anjou, frère du Roi, investit, auquel siège lui vint la nouvelle de son élection au royaume de Pologne, et désira que feu mon père l’y accompagnât. Ce qu’il fit avec un grand et noble équipage, et lui fit rendre en passant beaucoup de services par ses parents, comme lui-même lui en rendit de très bons par son entremise vers les princes là où il passa, à cause de la langue allemande. Mais comme le Roi élu voulut partir de Vienne en Autriche, le roi Charles son frère lui ayant mandé les brouilleries qui commençaient en France par M. d’Alençon et le roi de Navarre, son frère et beau-frère, et comme il avait besoin d’une levée de mille chevaux reîtres, il envoya à mon père une commission pour les lever : ce qu’il fit, s’en revint, et les amena en France à la mort du roi Charles, et la reine-mère Catherine (de Médicis) régente les conserva jusques au retour de Pologne du roi Henri III son fils ; lequel lui fit faire depuis une autre levée à la révolte de M. d’Alençon, et à l’arrivée en France du duc de Deux-Ponts. Et quelques années après il remit ses états et pensions au Roi, pour se mettre de la Ligue en l’année 1585, en laquelle il amena de grands levées de reîtres, de Suisses et de lansquenets sur son crédit. Après quoi les ligueurs s’étant accommodés avec le Roi, M. de Guise entreprit d’assiéger Sedan, sur ce que quelques gentilshommes qui s’y étaient retirés avaient surpris Rocroy sur lui, dont le chef était Champagnac.
Le Roi députa feu mon père pour aller reconnaître la possibilité ou l’impossibilité de ce siège, pour lui en faire son rapport : après quoi il se retira à Remonville pour se faire panser d’une maladie qui lui était survenue. M. de Guise voulut qu’il fît une nouvelle levée de mille et cinq cents chevaux en l’année 1587, lorsque la grande armée de reîtres vint en France sous la conduite de M. de Bouillon et du baron de Dona. Et bien que ce régiment fût avec le Roi sur la rivière de Loire, la personne de mon père, et quelques personnes qu’il leva à la hâte, demeura sur les frontières d’Allemagne et en Lorraine avec M. de Guise, et fut à la journée du Pont-Saint-Vincent, auquel lieu le travail qu’il prit lui causa une fièvre continue de laquelle il fut à l’extrémité, et fut plus de six mois à s’en remettre.
Ensuite les barricades de Paris étant survenues en l’année 1588, Thédoric de Bestein, fils de Maximilien, frère aîné de François, lequel Théodoric était cousin germain de mon père, mourut sans hoirs, et laissa feu mon père héritier de tous les biens de la maison de Bestein ; et la paix de Chartres s’étant jurée, le Roi assembla les Etats à Blois. En ce même temps le duc de Savoie ayant envahi le marquisat de Saluces, le Roi envoya quérir feu mon père pour lui faire quatre mille lansquenets, dont il lui donna la capitulation ; et mon père s’en voulant aller pour faire sa levée, il lui commanda d’arrêter encore quinze jours pour recevoir l’ordre du Saint-Esprit au jour de l’an prochain : à quoi se préparant, M. de Guise fut tué à la surveille de Noël, et le Roi envoya en même temps M. de Grillon, mestre de camp du régiment des Gardes, pour le prendre, afin de détourner les levées que l’on pourrait faire pour la Ligue en Allemagne. Mais mon père, se doutant de ce qui était arrivé, et de ce qui lui pourrait a(d)venir, fit préparer de bons chevaux, sur lesquels lui et l’un des siens étant montés, ils sortirent de la ville de Blois comme on levait le pont, et s’en vint à Chartres, qu’il fit révolter. Puis étant arrivé à Paris, il fut amené à l’Hôtel-de-Ville à une grande assemblée qui était là fort animée à la guerre. Il leur parla de l’accident arrivé, et lui ayant demandé son avis sur ce qu’ils devaient faire, il leur dit librement que s’ils avaient un million d’or de fonds pour commencer la guerre, il leur conseillait de l’entreprendre, sinon que ce serait le meilleur de s’accorder avec le Roi aux plus avantageuses conditions qu’on pourrait, pourvu que les restes de la maison de Guise fussent remis en dignités et honneurs, comme quelques serviteurs du Roi qui étaient dans Paris avaient déjà proposé.
L’assemblée se retira en suspens de ce à quoi ils se devaient résoudre, n’ayant point de fonds comptant pour commencer la guerre ; et une grande partie d’iceux accompagna mon père à l’hôtel de Guise, qui fut voir la veuve du défunt duc, et la consoler au mieux qu’il put.