Aujourd'hui c'est dimanche, 11 septembre 1939, jour du patron de la paroisse de Hestroff. On aurait sorti ses plus beaux habits pour aller à la messe, invité les cousins à partager le pot-au-feu façon Henri IV, les vol-au-vent aux ris de veau légués par le roi Stanislas et les tartes aux mirabelles et aux quetsches sorties des fours communaux.
Ce soir, nos jeunes filles auraient été danser avec les soldats de Bockange, les jeunes gens du village en auraient pris ombrage, tout ça sous l'oeil attentif et inquiet de leurs parents.
Au lieu de cela, le convoi fut scindé la veille. Pas question de rester à Triaucourt où l’armée avait priorité. Deux petites communes, avec capacité restreinte, ont bien voulu prendre en charge une partie des réfugiés. C’est ainsi que les uns ont été dirigés vers Noirlieu, canton de Givry-en-Argonne et les autres vers Saint-Mard-sur-le-Mont, arrondissement de Saint-Menehould, deux communes situées dans le département de la Marne, à plus de 6 heures de marche du Seuil d’Argonne.
Le 151e Régiment d'infanterie a pris ses nouveaux quartiers dans la ville de Metz en 1930. Il y restera durant une période de 9 ans. Ce régiment fut disloqué en 1940.
Collection Adrien MASSON, président du Fort aux fresques à Hestroff
A Triaucourt, aujourd'hui appelé Seuil-d'Argonne, nos réfugiés se rappellent qu'à leur arrivée, le vendredi soir, un bouillon leur fut servi en mairie.
Le lendemain matin, samedi 10 septembre 1939, le garde-champêtre vint les prévenir qu'ils ne pourront pas rester dans le village, l'armée venant de le réquisitionner.
Nos parents sont stupéfaits. Pas encore tout à fait remis de la veille, déjà doivent-ils se remettre en route ?
Dans quelles conditions furent-ils logés à Triaucourt ? Personne ne semble plus s'en rappeler..., leur coeur, leurs pensées ce jour-là ayant été probablement à Hestroff, car chez eux, aujourd'hui veille de la Saint-Jean-Baptiste, les dames, assistées par leurs fillesaînées, auraient préparé des biscuits de Savoie, des brioches, des cakes et surtout beaucoup de tartes aux mirabelles et aux quetsches à enfourner chez nos deux boulangers, DELLES et HUMBERT. En sortant des boulangeries, c'était à celles qui exhiberaient le plus beau biscuitkouchen ou les quetschen oda mirabellenfloossen les plus appétissantes.
Bref, le samedi qui précédait la fête patronale était entièrement consacré à la confection de mille et une bonnes choses... alors qu'ici, dernière étape en Lorraine, on se dispute déjà le pain sec...
Depuis quelques jours la presse luxembourgeoise parle des tracts qui fleurissent sur les pare-brise des voitures françaises.
Il ne fait pas bon être immatriculé en 57 ou 54 ces temps-ci. La presse luxembourgeoise a fait l'écho ces derniers jours de tracts virulents à l'égard des frontaliers et notamment des français.
Ces tracts, anonymes, sont placés sur les pare-brise des véhicules immatriculés en France et encourage leurs conducteurs à rester en France. Les messages associent les travailleurs frontaliers aux synonymes de "destruction" et de "pollution" !
Si selon le code pénal, ce genre de blague peut coûter à leurs auteurs jusqu'à 25 000 euros d'amende et deux ans de prison, le fait n'est pas nouveau.
En effet, le fait n'est pas bien nouveau. Il y a 40 ans déjà nos voisins et cousins luxembourgeois exécraient les "Heckenfranzosen".
Comme quoi, en vue d'éviter des crises d'urticaireaigües, va falloir bien réfléchir dans le cadre des nouvelles immatriculations...
D'ailleurs la guéguerre 57-54 est-elle bien terminée ???
Ce matin, vendredi 9 septembre 1939, on plie bagage. Direction Triaucourt-en-Argonne qui accepte de recevoir les réfugiés. Petits et grands s'affairent et nettoient la maison qui doit rester aussi propre qu'elle l'a été avant leur passage. S'ils veulent continuer à être accueillis dans de meilleures conditions, à eux de prouver qu'ils sont honnêtes et de bonne éducation.
La route sera longue. Plus de 35 kilomètres à parcourir et à penser à la fête patronale qui, ce jour, aurait dû battre son plein...
Le 9 mai 1950, Robert Schuman présentait sa proposition relative à une organisation de l'Europe, indispensable au maintien de relations pacifiques.
Cette proposition, connue sous le nom de "déclaration Schuman", est considérée comme l'acte de naissance de l'Union européenne.
Aujourd'hui, le 9 mai est devenu un symbole européen qui, aux côtés du drapeau, de l’hymne, de la devise et de la monnaie unique, identifie l'Union européenne en tant qu'entité politique.
Pour ne plus avoir à vivre
ce que nos parents ont vécu...
Au lieu de claquer fièrement au vent...un peu molasson notre drapeau. La brume vient de se lever. La journée promet d'être belle. Hélas, nous sommes loin des festivités bruxelloises... Alors, on fait ce qu'on peut !
Fin août 1939, Hestroff, quelques jours avant d'être évacué, dut héberger les soldats en cantonnement.Toutes les maisons furent réquisitionnées. A l'instar des autres dames du village, ém'Harainville, la Biblé avait été obligée de libérer une chambre pour deuxd'entre eux.
Corvée de lessive derrière les maisons CIBIC et DEPENWEILLER - septembre 1939 Collection Association du Fort aux Fresques
8 septembre 1939, certains, qui dormaient sur la paille depuis la première nuit de leur expédition, connurent la joie de se réveiller et de s'étirer dans un vrai lit avec des draps tout blancs tout propres. Quel bonheur !
La veille, sur la route de Fresnes à Villers, on avait beaucoup rouspété. L'abbé Schertz fut soupçonné de favoritisme. Le "bas du village" l'accusait de mieux loger le "haut du village" notamment Jeanne BASSOMPIERRE, soeur du garde-champêtre, Madame HUMPSH et sa fille Irène, Anna GOBY et d'autres dames habitant près de l'église. Etaient-elles plus pieuses ou plus méritantes ?
Les récriminations sont-elles parvenues aux oreilles de Monsieur le Curé, en tête de convoi ? Ou simplement nos gens sont-ils arrivés dans un village déserté par ses habitants ?
Car hier soir, point besoin de courir à la fontaine pour se laver. A leur disposition, une grande maison avec cabinet de toilette et eau courante. Un 5 étoiles en somme.Aussi fit-on toilette complète avant de se glisser dans les beaux draps frais. Cerise sur le gâteau, Thèrèse et Marie-Louise, nos jeunes filles de 17 ans, purent même disposer d'une chambre particulière, ce qui leur permit, loin des oreilles de leurs mères et compagnons d'infortune, d'échanger quelques confidences sur l'oreiller.
Bien situé sur la rive gauche de la vallée de la Meuse, Villers-sur-Meuse, petit village de 180 âmes en 1939, entre Verdun et Saint-Mihiel, se situe de nos jours sur la "voie verte" bien connue par les cyclistes Belges et Néerlandais, et disposed'un camping et d'une plage à côté de la Meuse.
Lors des Présidentielles de 2007, Villers-sur-Meuse comptant 199 votants, s'est démarqué totalement du vote national : 64 voix pour Nicolas SARKOZYcontre 103pour Ségolène ROYAL, soit respectivement 38,32 et 61,68 % des voix exprimées.
Tous ceux à qui il rendait quotidiennement de petits et grands services, tous les gens qui l'aimaient et le respectaient étaient là ce matin, pour faire leurs adieux à Roger. L'église était bondée. Même des hommes ont pleuré...
Nous avons la gorge nouée en pensons à Marie-Clémence son épouse, brisée par une disparition aussi soudaine. Ses filles Nadine et Sylvie, ses petites-filles adorées Margaux, Camille et Jeanne, qu'il promenait dans les rues du village.
Pour nous... il continuera à rendre visite à ses beaux fruitiers dans la Hohleck où il aimait tant aller se promener, dans son potager, entretenu amoureusement, près du Viden, où il se rendait quotidiennement, dans "the garden" du cousin Hal Tritz où nous nous sommes entretenus de l'exode du village quand lui n'avait que 3 ans. Il en fit partie du convoi jusqu'à Montier-en-Der, d'où sa maman Jeanne NADé le prit par la main pour aller se réfugier à Bordeaux.
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Hestroff avant, pendant, après, de 1680 à 1789, 1939-45, 2009, 2010, 2011. Ses habitants, son histoire, sa généalogie, son actualité. Histoire et généalogie pays de Nied, Metz, Moselle